Philippe Sollers

Philippe Sollers

Le Monde du vendredi 6 février 2015

Les leçons de Philippe Sollers

Dans L’École du Mystère, l’écrivain chante le caché et le singulier, antidotes à la banalité

 

Par Vincent Roy

 

 

   D'abord il y a les portraits de femmes : Fanny, Manon. La première est plurielle – on la rencontre partout –, la seconde, singulière. Au vrai, les « Fanny » sont indifféremment des femmes ou des hommes – de ceux qui se « féminisent » au contact du narrateur de L'École du Mystère. Fanny-femme est un « condensé de rencontres », « la partenaire d'une liaison expérimentale ». Elle fait sans cesse la morale, brode son roman familial, bavarde sur les réseaux sociaux, s'occupe de « la gestion rentable de son mari ». Si elle est politique, elle s'agite. Si elle est médiatique, elle joue dans l'enfer des apparences. Bref, Fanny est irréductiblement normale, et vit dans « le faux temps banal ». Les Fanny, au féminin comme au masculin, revendiquent leur normalisation. Elles sont sentimentales c'est-à-dire ressentimentales.

  Manon, personnage central, est l'anti-Fanny, son contrepoison. C'est la sœur  du narrateur. A ses côtés, elle se venge « des tribus, des clans, des familles, et de toute la société avec eux ». Ils se retrouvent, en cachette, au fond d'un grand jardin, dans une petite baraque en bois, sous les arbres : noir mystère. Ces deux-là ont une liaison incestueuse secrète : « verbalisation active, traversée du mur du spectacle », jeux de rôles érotiques, « vert paradis des amours enfantines ». On peut lire, sur ce sujet, L'École du Mystère comme la suite de Portrait du Joueur (Gallimard, 1984).

  Il y a aussi Odette, jolie veuve, la tante de Manon et du narrateur. Elle invitait ce dernier, jadis, dans sa maison, à la tombée du soir, et l'attendait assise sur un canapé, en déshabillé bleu clair, pour des séances sexuelles. Elle avait 30 ans, lui 15. Odette lui apprenait à ne pas devenir un « géniteur naïf », lui enseignait l'histoire vraie de la guerre des sexes « avec une étrange lueur dans ses yeux noisette ». Grâce à Manon et Odette, dit-il aujourd'hui, « je ne me sens pas tenu de mourir ». Ces deux femmes se sont-elles confiées l'une à l'autre ? Le mystère est une école : « Heureux les enfants vicieux, sournois, dérobés, intenses ! Heureux ceux qui préservent leur intelligence de l'insouciance ! Vive leurs caresses poivrées ! Le temps les traverse mais ne les noie pas ».

 

Métaphysique

  On l'aura compris : à l'inverse de l'école laïque et républicaine qui « définit la morale » et « célèbre ses serviteurs politiques », selon le narrateur, « l'école du Mystère » ne produit que des singularités. C'est une école physique, spirituelle, métaphysique – le roman débute par une messe et par le moment central de la transsubstantiation –, et philosophique – « La Vertu mystérieuse accompagne les choses dans leurs renversements », prévient un professeur chinois classique.

  Philippe Sollers est un libertin, c'est-à-dire quelqu'un qui pense que la société ment sur les rapports entre les êtres humains. Alors il contre-attaque. Sa lucidité comme son ironie ne laissent pas de nous bousculer. En enquêteur clandestin de terrain, il a observé que « des milliers de Fanny ont remplacé la littérature et la pensée par la morale », que les cerveaux et les corps étaient visés, que l'Histoire était évacuée et que seuls quelques êtres « singuliers », des aventuriers de l'écart, pourraient nous sauver. Ces mercenaires, ou plutôt ces révolutionnaires, forment une secte secrète. Son nom ? L'École du Mystère.

 

Vincent Roy

Le Monde du vendredi 6 février 2015

 

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Ma soeur, mon amour, Sud Ouest 22 février 2015

 

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Le Figaro, Frédéric Beigbeger

Pour saluer Sollers , Le Figaro magazine du 6 mars 2015, par Frédéric Beigbeder

 

 

 

« Avoir bonne réputation est toujours un très mauvais signe »

Transfuge, février 2015

 

 

Europe 1 social club - Philippe Sollers dans l'émission de Frédéric Taddeï, 11 février 2015

 

 

Ça balance à Paris, Paris Première 7 février 2015

 

 

Philippe Sollers à l'école du mystère
Boomerang - par Augustin Trapenard, France Inter, 2 février 2015

 

 

Un monde de livre, par Josyane Savigneau, RCJ, 26 février 2015

 

 

 

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