Philippe Sollers

 

 

 

Ce volume comprend les cinq premiers des trente-quatre Cahiers rédigés par Heidegger depuis le début des années 1930 jusqu’à la fin de sa vie (la série commence en fait au deuxième de ces Cahiers, le premier ayant été perdu). Les «Cahiers noirs» ou «Cahiers de travail» (ainsi Heidegger les dénommait-il lui-même d’après leur fonction ou la couleur de leur reliure) occupent une place singulière dans l’ensemble de ce qu’a écrit l’auteur. Son souhait de les voir publiés après que fut achevée l’édition intégrale de ses œuvres signifie qu’il a voulu laisser aux lecteurs soucieux de comprendre sa pensée un moyen d’en appréhender le travail au plus près de son élaboration. La publication de ces Cahiers permet-elle de mieux connaître Heidegger ? Certainement pas, si l’on entend par «connaître» le fait d’entrer dans l’intimité d’une personne. On ne trouvera pas trace d’une quelconque confidence dans ces pages. En revanche, on y verra à l’œuvre l’effort sans relâche d’un philosophe pour reprendre et préciser sa pensée. Les Cahiers commencent au moment où Heidegger entreprend d’approfondir la position conquise avec Être et Temps (1927). Ils permettent de suivre l’aventure intellectuelle qu’allait représenter pour lui la découverte déconcertante de ce qu’il finirait par appeler «l’histoire de l’être».
Les Cahiers repris dans ce volume, rédigés en 1938-1939, tournent principalement autour du thème de «l’autre commencement » que, selon Heidegger, la philosophie a pour tâche de préparer, à l’heure de «l’achèvement des Temps nouveaux», où le règne de la métaphysique de la subjectivité porte le «premier commencement», le commencement grec, à sa complète expression. Cela se manifeste en particulier dans «la réduction de l’homme à lui-même», à son animalité et à sa rationalité qui non seulement se conjuguent, mais se renforcent l’une l’autre. Les débordements politiques de l’âge des masses, à commencer par le national-socialisme, en procèdent en ligne directe. Là est l’enjeu «historial» de l’époque pour la pensée, enjeu que Heidegger s’emploie à faire ressortir contre l’aplatissement de «l’histoire historisante». Au-delà du déploiement de l’efficience généralisée, il y va de la «Décision» ouvrant sur la vérité de l’essence de l’homme dans sa relation à l’être.

 

 

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Martin Heidegger. La vérité sur ses Cahiers noirs
 
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GALLIMARD, COLLECTION L’INFINI

Dirigée par Philippe Sollers

 

 

 

Martin Heidegger. La vérité sur ses Cahiers noirs

 

Friedrich-Wilhelm von Herrmann et Francesco Alfieri

Martin Heidegger. La vérité sur ses Cahiers noirs

essai - traduit de l’italien et de l’allemand par Pascal David

 

 

 

   Martin Heidegger. La vérité sur ses Cahiers noirs propose la première étude systématique des Cahiers noirs de Martin Heidegger. Lire sérieusement et rigoureusement les Cahiers noirs ou « carnets » de Heidegger sans idée préconçue et sans précipitation, loin de toute l’instrumentalisation politique et médiatique dont ils ont été le prétexte sans même avoir été lus ni abordés, en tentant de dégager patiemment l’économie de leur propos, en pointant leur critique constante de la « barbarie » du national-socialisme, quitte à devoir rappeler qu’il n’y a pas trace en eux d’antisémitisme (que Heidegger lui-même qualifie d’« insensé et condamnable »), telle est l’ambition de cet ouvrage appelé à faire date dans les études heideggériennes.

 

   La majeure partie de cet essai est constituée d’une analyse philologique très précise des liens entre les Cahiers noirs et les œuvres de Heidegger, déjà connues par ailleurs, qui entend montrer la cohérence entre les deux. Cette étude est précédée d’une mise au point sur la nature des Cahiers noirs et leur place dans la réflexion de Heidegger qui - et c’est ce que souhaitent rappeler les auteurs -, malgré ses engagements, n’a pas produit une pensée antisémite. On y trouvera également des correspondances jusqu’à présent inédites entre F.-W. von Herrmann, Heidegger et Gadamer.

 

 

   Friedrich-Wilhelm von Herrmann, professeur émérite de philosophie à l’université de Fribourg (Allemagne), a été l’assistant d’Eugen Fink (de 1961 à 1970) et le dernier assistant personnel de Martin Heidegger (de 1972 à 1976). Selon le vœu de Heidegger, il a été désigné comme principal responsable scientifique de la Gesamtausgabe, l’édition intégrale de ses textes, entreprise à partir de 1975 et toujours en cours de publication.

   Francesco Alfieri est professeur de phénoménologie de la religion à l’Université pontificale de Latran (Cité du Vatican). Il est secrétaire de rédaction de la revue Aquinas.

 

 

N. B. : des traductions anglaise (États-Unis), portugaise, espagnole, russe, chinoise, tchèque et roumaine sont en cours. L’édition allemande vient de paraître (Duncker & Humblot).

 

 

Heidegger et Lacan

Martin et Elfriede Heidegger avec Jacques Lacan, Cerisy, 1955

 

 

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